Ed. Robert Laffont, coll. "Bouquins", 2007, 1312 p. Prix éditeur : 30 euros.
Extrait
"[...] Il est des vins qui voyagent bien et d'autres qui, comme les humains, ont, pour ainsi dire, le mal de mer ou, plus généralement, le mal du voyage. Combien de fois n'avons-nous pas entendu, de la bouche d'un connaisseur ou d'un vrai amateur, cet avertissement qui tient de la sentence, voire de la condamnation : " C'est un vin qui a bougé ! " De ce point de vue, le vin et le voyage ne doivent pas être associés. Et pourtant, les Phéniciens, peuple voyageur s'il en fut, n'ont pas manqué de se déplacer avec leurs vins, dont nous pouvons plus ou moins deviner le goût à partir de l'état actuel des cépages qu'ils ont introduits en Europe. Mais sommes-nous sûrs que le jerez, qui accompagne si bien les tapas, en Andalousie, par exemple, ressemble encore à celui qui, pour la première fois, il y a bien des millénaires, a arrosé la terre d'Espagne ? Et notre chardonnay est-il toujours celui qu'ils nous ont apporté ? D'ailleurs, est-ce souhaitable qu'il en soit ainsi ? Car dans le temps et dans l'Histoire, dans ses multiples déplacements, la vigne témoigne toujours du travail des hommes. Notre dette envers ceux qui ont su la faire évoluer est donc patente. N'oublions pas que, comme presque tout ce qui fait la civilisation que nous appelons occidentale, le vin est né en Orient, en Phénicie peut-être, ou en Égypte, ou dans l'actuelle Syrie. Et ce sont bien des terres orientales qui ont permis à Noé, après l'eau du Déluge, de retrouver le vin de la vie. Celui-ci a dû accomplir bien des voyages avant de parvenir jusqu'à nous, se glissant dans des cratères grecs, des amphores étrusques ou romaines et dans les tonneaux qui descendaient les fleuves du Moyen Age. Admirable capacité du vin, donc, de s'adapter à des temps et des milieux différents, déjouant ainsi, par avance, toute tentative de l'enfermer dans la monotonie ou l'uniformité. Accordons-lui, au contraire, le temps de reconnaître les lieux où il a été transporté. II peut alors, nous l'avons vu, dormir, bien au calme. Comme le poète, il travaille en dormant. Et c'est de son sommeil que naissent nos plus beaux rêves.
Ceux-ci sont parfois datés : nous les appelons alors des millésimes. Date et lieu de naissance s'associent ainsi pour nous inviter au voyage et au dialogue. Car c'est à nous, maintenant, de voyager vers le vin. [...]"
Epilogue : Gabriel Saad, "...et vous y serez encore quand vous en sortirez", p. 1032.
Cette somme inépuisable raconte l'odyssée du vin, héros central de notre culture, confluent de Noé et de Bacchus. Le vin livre ici son histoire intime, technique et économique, mais aussi religieuse, littéraire et artistique : sous toutes ses cultures, sous toutes ses couleurs, des racines aux feuilles, coule, au travers de ces pages, la vie du vin qui, plus qu'une substance stimulante, irrigue tous les domaines de notre civilisation.
Cet ouvrage est un inédit qui se distingue de ce qui a été écrit jusqu'à présent à ce sujet, sur plusieurs points essentiels :
1) La passion et la science du vin d'une équipe européenne
Ont collaboré à cette somme impressionnante toute une équipe de spécialistes du vin.
Ils viennent en particulier de l'université de Bordeaux III, Michel de Montaigne et de ses centres de recherche : LAPRIL (Littérature, Arts, Pluridisciplinarité, Représentations, Imaginaire, langages) et CERVIN, (Centre d'Études et de Recherches sur le Vin). On y croise des universitaires du Bordelais qui sont souvent également eux-mêmes des viticulteurs, des archéologues, des linguistes et viticultrices comme Françoise Argod-Dutard, des historiennes comme Marguerite Figeac, des spécialistes des religions comme Michel Meslin, des spécialistes internationaux du vin comme Richard Cooper de l'Université d'Oxford, et des amoureux du vin comme Christian Coulon, Amancio Tenaguillo y Cortázar et Gabriel Saad (membres de CEPDIVIN). Ce mélange des talents, crée un ton unique, savant et sensuel tout à la fois.
2) Une compréhension en profondeur du monde du vin, de son histoire et de ses mutations
Ce volume se compose de deux ensembles qui se développent chronologiquement et parallèlement : "L'histoire et les lieux" et "le Vin et les Lettres".
"L'histoire et les lieux" embrasse tous les aspects, techniques, culturels et sociaux ; il va des origines jusqu'à nos jours et est exposé par les spécialistes du CERVIN ; européen et mondial, il prend en compte les toutes dernières données et intègre tout ce qui touche aux techniques de production et de vinification, aux goûts et manières de table, aux fêtes, et aux résonances artistiques, littéraires et religieuses...
L'ensemble "Le Vin et les Lettres", à côté des textes célèbres naturellement présents ici, recèle une foule de documents inédits, notamment pour l'Egypte grecque, les premiers traités de viticulture au Moyen âge, les récits de voyageurs et pèlerins, ou des textes peu connus, traduits et éclairés par des commentaires nouveaux. Les religions sont ici à l'honneur avec les livres saints et les traditions chrétiennes, juives ou islamiques, où vin et vigne sont omniprésents. On y trouve aussi les amateurs célèbres et leurs crus favoris : Rabelais, Erasme, Ronsard, Montaigne, Louis XIV, Samuel Pepys, Alexandre Dumas, François Mauriac, Michel Mau, Alexandre de Lur Saluces... Ce " Voyage au pays du vin " sait encore nous faire passer du vin, simple aliment, au vin du plaisir, lentement dégusté dans des verres adaptés, et du vin de la fête au vin érotique.
3) Une invitation au voyage, et à la flânerie parmi les mots du vin
Pour que le vin soit mieux connu et mieux savouré, des cartes, une iconographie adaptée, un index des termes essentiels, ainsi que des tableaux des cépages et des millésimes sont donnés ici ; en outre l'on pourra parcourir et apprécier, réalisé par une grande linguiste, experte en vin, le premier dictionnaire, étymologique et technique des mots spécifiques du vin qui intègre les vocables régionaux, les vieux mots, les proverbes et les emprunts.
Voyage et promenade aux mille détours, parmi les terroirs, les cépages, les saveurs et les chapitres successifs d'une histoire nouée indissolublement à celle des hommes, cette somme est appelée à devenir un livre de référence majeure car si le vin a bien une histoire, cette histoire c'est la nôtre, et cet ouvrage nous la restitue.
Table des matières
Avant-propos, par Françoise Argod-Dutard
Avertissement de l'éditeur
DES ORIGINES AUX TEMPS MÉDIÉVAUX
L'HISTOIRE ET LES LIEUX Pierre Sillières
1. LA VITICULTURE ET LE VIN DANS L'ANTIQUITÉ
LE VIN ET LES LETTRES Sous la direction de Patrice Cambronne, de Catherine Broc-Schmezer et de Françoise Daspet
LA TRADITION DES ÉCRITURES SACRÉES : CHRISTIANISME, JUDAÏSME, ISLAM sous la direction de Patrice Cambronne
2. LE SYMBOLISME DE LA VIGNE, par Michel Meslin
3. SUR LE CHEMIN DE L'ESPRIT : LA BIBLE, par Patrice Cambronne
4. LA TRADITION PATRISTIQUE, par Eric Benoit
5. LE VIN ET LA VIGNE DANS LA TRADITION JUIVE, par le Dr Hervé Rehbv
6. EN PAYS D'ISLAM, par Mounira Mezghani-Manal, Jad Hatem, Claude-Claire Kappler et Christian Coulon
LE MONDE ANTIQUE sous la direction de Catherine Broc-Schmezer et de Françoise Daspet
7. VIN ET MYTHE, par Catherine Broc-Schmezer
8. DU JARDINIER AU MÉDECIN, par Catherine Broc-Schmezer et Jean-Baptiste Clérigues
9. SOCRATE ET XÉNOPHON, par Marie-Françoise Marein
10. L'ÉGYPTE GRECQUE, par Patrice Cauderlier
11. COMMENT BOIRE, par Catherine Broc-Schmezer et Olivier Battistini
12. ARISTOTE, LE VIN PUR ET LA MÉLANCOLIE, par Olivier Battistini
13. ALEXANDRE ET DIONYSOS, par Jean-Pierre Brèthes
14. LE MONDE LATIN, par Françoise Daspet et Françoise Argod-Dutard
15. LA CITÉ LATINE, par Françoise Daspet, Michel Martin et Georges-André Morin
16. BACCHUS, par Françoise Daspet
MOYEN ÂGE ET XVIe SIÈCLE
L'HISTOIRE ET LES LIEUX Sandrine Lavaud
17. FERMENTS D'UNE CIVILISATION VITICOLE
LE VIN ET LES LETTRES sous la direction de Françoise Argod-Dutard et de Florence Plet-Nicolas
18. PÈLERINS ET VOYAGEURS, par Yvonne Bellenger, Lydie Pince et Florence Plet-Nicolas
19. LE SAVOIR-FAIRE, par Françoise Argod-Dutard, Richard Cooper, Claude-Gilbert Dubois et Florence Plet-Nicolas
20. GOÛTS ET PLAISIRS, par Nadège Arrivé et Florence Plet-Nicolas
21. LE CORPS ET LE VIN, par Violaine Giacomotto-Charra
22. LE PEUPLE ET LES CLERCS DU MOYEN ÂGE, par Alain Corbellari et Florence Flet-Nicolas
23. LE VIN DES SEIGNEURS (ROMANS ET ÉPOPÉES DU MOYEN ÂGE), par Florence Plet-Nicolas
24. LES HUMANISTES, par Jean-Claude Margolin, Lydie Pince et Chantal Liaroutzos
25. POÈTES ET ARTISTES, par Hélène Basso, Catherine Magnien et Martine Vasselin
26. SYMBOLISMES ET IMAGINAIRES DU VIN, par Florence Plet-Nicolas et Claude-Gilbert Dubois
DU GRAND SIÈCLE AU SIÈCLE DES LUMIÈRES
L'HISTOIRE ET LES LIEUX Marguerite Figeac
27. CORPS ET ÂME DU VIN (XVIIe-XVIIIe` SIÈCLE)
LE VIN ET LES LETTRES sous la direction d'Éric Francalanza et de Grégory Gicquiaud
28. VINS, VERTUS ET CIVILITÉ, par Grégory Gicquiaud
29. L'ESPRIT DU VIN, par Grégory Gicquiaud
30. AUX FRONTIÈRES DE L'INTERDIT, par Grégory Gicquiaud
31. LE VIN QUOTIDIEN, par Éric Francalanza
32. LES FOLIES DU VERRE, par Éric Francalanza
33. LE VIN DES SAVANTS, par Florence Boulerie
34. L'ÉLABORATION CULTURELLE DU VIN, par Éric Francalanza
35. L'ICI-BAS ET L'AU-DELÀ DU VIN, par Éric Francalanza
LE XIXe SIÈCLE
L'HISTOIRE ET LES LIEUX Philippe Roudié
36. LES TEMPS NOUVEAUX
LE VIN ET LES LETTRES sous la direction de Gérard Peylet et de Pierre Solda
37. AIMER LE VIN, par Sandrine Bazile et Sophie Vergeret
38. LE VIN NOUVEAU, par Pierre Solda
39. LA FÈTE, par Pierre Solda
40. LE VIN MAUDIT, par Sandrine Bazile et Sophie Vergeret
41. VIN ET LETTRES, par Sandrine Bazile et Sophie Vergeret
42. EXALTATIONS OU RAVAGES, par Gérard Peylet
LES MONDES DU VIN AUX XXe-XXIe SIÈCLES
L'HISTOIRE ET LES LIEUX Jean-Claude Hinnewinkel
43. LE XXe SIÈCLE VITICOLE OU L'AFFIRMATION DE DEUX MONDES..., par Jean-Claude Hinnewinkel et Philippe Roudié
LE VIN ET LES LETTRES sous la direction de Viviane Barry et d'Amancio Tenaguillo y Cortázar
44. LA ROUTE DES VINS, par Amancio Tenaguillo y Cortázar
45. DE LA VIGNE A LA CAVE, par Eric Pothier
46. LES REPRÉSENTATIONS DU VIN, par Amancio Tenaguillo y Cortázar
47. LE PLAISIR MIS EN BOUTEILLE, par Viviane Barry
48. LA COUPE DU POÈTE ET LE VIN DU CALICE, par Viviane Barry et Roger Navarri
49. BREF SUPPLÉMENT À UN SIÈCLE ENCORE TRÈS PROCHE DE NOUS, par Gabriel Saad
AUTRES VINS D'UNE MÊME EUROPE Sous la direction et avec la participation d'Ana-Maria Binet Françoise Argod-Dutard, Jean Casenave, Lise Chapuis, Renée-Paule Debaisieux, Eric Francalanza, Josine Monbet, Jelena Rose
50. CAP SUD
51. CAP NORD
EPILOGUE "...et vous y serez encore quand vous en sortirez " par Gabriel Saad
ANNEXES sous la direction de Françoise Argod-Dutard
Répertoire des auteurs et des oeuvres (extraits cités)
Les mots du vin (dictionnaire), par Françoise Argod-Dutard
La langue et l'écriture du vin, par Françoise Argod-Dutard
et Danielle Bouverot
Bibliographie sélective
Table des auteurs et collaborateurs
Parcours thématique
Table des cartes
Avant-propos
Ce sont les couleurs de la vie que nous
révèle ce Voyage aux pays du vin, un voyage qui commence en Iran, en
Turquie, en Syrie ou en Palestine, là où le vin et la vigne sont nés. Après un
long périple à travers les continents et les âges, le lecteur découvre les
nombreux terroirs du monde d’aujourd’hui. Guidé par les découvertes récentes de
l’archéologie, il admire les vignes vertes de la Méditerranée, accrochées aux
arbustes ou rampant sur les collines, assiste aux progrès de la vinification –
du fouloir aux pressoirs variés –, suit aussi le trajet des amphores, des
outres et des barriques, s’initie encore au service des boissons et à l’usage
des vases à boire, conçus afin de goûter les vins, coupés d’eau ou glacés,
doux, résinés ou cuits.
Tout un monde s’anime sous la plume des
historiens, que font revivre ici des traités de viticulture, des papyrus
inédits ou récemment traduits, des extraits de poèmes ou de lettres. Le
lecteur-voyageur pénètre ainsi au gré des textes au cœur d’une civilisation où
le vin joue un rôle central. Incarné dans la mythologie par Dionysos ou
Bacchus, célébré par Xénophon et Alexandre, chacun à sa manière, le vin
s’impose dans les scènes de la vie privée, nourrit la sociabilité, les
offrandes, les libations et les banquets, et tient une grande place dans la
politique comme dans la religion. Boisson des dieux, remède pour le corps,
source d’inspiration ou de mélancolie, il est un objet d’étude aussi bien pour
l’agronome que pour le philosophe, comme en témoignent les observations et
conseils de Columelle ou les réflexions d’Aristote.
Ce divin liquide, qui s’étendit en Orient
et se répandit en Occident, irrigue toute la culture méditerranéenne. Le vin de
la Bible, celui de Naboth et de Noé, grappe merveilleuse, signe tangible de
l’alliance renouvelée d’Israël avec Yahvé, est chargé de sens allégoriques. La
vigne du Seigneur, c’est le peuple de Dieu, sa plantation, la figure de son
élection, sa fertilité, une marque de la bénédiction divine. Le rôle du vin est
essentiel et permanent dans la tradition judéo-chrétienne : vin des
grandes fêtes juives – Rosh Hashana, Pessah, Pourim, Tou Bishvat –, vin de
l’Eucharistie, vin des actions de grâce, vin d’honneur des manifestations
religieuses. « Le chant de la vigne » (Is 5, 1-7) exprime un cri
d’amour et une espérance messianique qui trouvera son prolongement dans le
Nouveau Testament et les commentaires des Pères de l’Église : la vigne est
là, signe du royaume de Dieu et du Messie. Cheminant parmi les multiples
symboles du vin, le lecteur-voyageur comprend aussi combien ce breuvage fut
puissant et chargé d’ambivalence dans le Coran, l’Islam, ainsi que dans la
poésie arabe et persane.
Le premier âge d’or du vignoble
correspond à celui de la diffusion du christianisme où le vin, boisson
mystique, est consubstantiel à la liturgie. S’affirme ainsi progressivement,
entre l’époque médiévale et les temps modernes, la civilisation viticole dont
nous sommes aujourd’hui les héritiers. Les évêques et les établissements
religieux lui donnent son essor ; les seigneurs, avec le développement de
la féodalité, renforcent l’implantation et l’exploitation des vignes, relayés
bientôt par les villes. Des vignobles de plus en plus septentrionaux ou proches
des centres urbains, de nouveaux modes de culture et de vinification
apparaissent, le commerce et la consommation se transforment. Cette étape du
voyage permet au lecteur de découvrir des vins bien différents des nôtres,
décrits par les sources médiévales ou les traités du xvie siècle, de Charles Estienne ou d’Olivier de
Serres : les effets de l’ivresse, vus à travers la théorie des humeurs, ou
l’apparition des règles du « savoir-boire » retiendront son
attention. Le vin du peuple et des clercs n’est pas celui, teinté de mystère,
des seigneurs des romans ou des épopées, ni celui des poètes et des artistes,
non plus que celui des humanistes, comme Érasme, Rabelais ou Montaigne, dont le
lecteur découvrira au passage les préférences gustatives.
Au cours des deux siècles suivants, le
vin acquiert un nouveau statut culturel. L’expansion du commerce en Europe,
l’enrichissement des nobles et des bourgeois négociants, l’avènement de la
qualité et l’extension du vignoble font désormais du vin la composante essentielle
de tout un savoir-vivre. Les crus et les grands vins font leur apparition, les
techniques de vinification s’améliorent sensiblement, ainsi que le
conditionnement, en solides bouteilles de verre fermées par des bouchons de
liège. C’est l’époque de la montée des liquoreux, de l’ascension des rouges –
qui se confirmera au siècle suivant –, ainsi que celle de la rivalité des
bourgognes et des champagnes à la cour de France. Les traités de civilité, qui
se multiplient, en disent long sur le vin de l’honnête homme et sur sa place
dans les usages sociaux. Le vin reste, en effet, une tentation que les voix de
la morale entendent réprimer mais à laquelle cèdent souvent les classiques et
plus encore les libertins. Il est aussi et surtout un objet de science et de
culture en un temps où l’Encyclopédie diffuse tous les savoirs existants
sur le monde connu. Montesquieu, Voltaire, Rousseau manifestent leur intérêt
pour cette boisson en plein essor. Des savants écrivent des traités sur la
vinification, sur le langage du vin, sa constitution chimique, son
développement économique ou ses vertus médicales.
Puis, grâce aux progrès des techniques
qui caractérisent la période contemporaine – l’œnologie notamment –, le vin
gagne en variétés, en qualité, en distinction et se mondialise. La vigne
parvient à traverser la crise du phylloxera, résiste aux maladies et affirme sa
place au cœur du développement territorial. Surgissent de nouveaux paysages
viticoles, attachés désormais à des appellations d’origine contrôlée, fondées sur
la sélection des cépages, des terroirs et des qualités. Objet de dégustations,
le vin devient aussi objet esthétique et les textes littéraires se font l’écho
de cette évolution en lui donnant les couleurs et les saveurs du mythe. Avec
Alexandre Dumas, Victor Hugo, ou Léon Douarche, les vins, dont les auteurs
s’attachent à décrire les spécificités, apparaissent inséparables de la
gastronomie. Mis en scène sur une table bien dressée, ils sont valorisés par
des mets propres à faire ressortir leurs qualités, servis dans des verres qui
exaltent leurs arômes. Boire devient un art véritable. La route des vignobles
se borde de châteaux ou de demeures de plus en plus élégantes, dont les
étiquettes sur les bouteilles témoignent ; les écrivains s’intéressent au
vin et à ses paysages, les vendanges résonnent de chansons, tandis que les
confréries et le folklore perpétuent les mythes bachiques. Les poètes et les
artistes renouvellent les représentations : l’étiquette surgit de la
palette du peintre ; le vin de la poésie est « trembleur comme une
flamme », et celui du calice est, pour Claudel, le « signe mystérieux
de notre salut ».
Les autres routes du vin, empruntées
depuis longtemps par les pèlerins et les voyageurs, les marchands ou les
négociants, conduisent le lecteur dans la proche Europe et lui font percevoir
les singularités d’une culture profondément enracinée en Espagne, en Italie ou
en Grèce, mais aussi le long du Rhin et de la Moselle et tout particulièrement
mise en valeur par la littérature britannique. Si, d’après les auteurs, le vin
fortifie et guérit le corps, il procure encore l’oubli, nourrit l’esprit,
inspire les poètes et comble les esthètes, enflammant le désir, célébrant
l’amitié et marquant l’hospitalité.
Derrière l’objet marchand, le
lecteur-voyageur aura appris à percer les secrets du vin, afin que boire ne
cesse jamais d’être un art et que le buveur puisse cultiver la sensibilité de
l’artiste. Au terme de cet itinéraire, il pourra s’attarder sur les mots de la
vigne et du vin, connaître leur étymologie, leur histoire, leur sémantisme
proliférant qui essaime en proverbes, citations et bons mots chez les auteurs
amoureux du vin. L’ensemble, enrichi par les textes de l’ouvrage, fournit aux
gourmets, amateurs de mots à boire et de vieux millésimes bien en bouche, une
synthèse sur les traits constitutifs de la langue et de l’écriture du vin et de
la vigne.
Cet ouvrage réunit les compétences
multiples d’une équipe de chercheurs. Ils y ont apporté les découvertes les
plus récentes, les références nombreuses de chacune de leurs disciplines. Sans
eux, ce Voyage aux pays du vin ne serait pas une véritable histoire
culturelle de la vigne et du vin. Sous la direction de Pascal Charvet et de
Sandrine Lavaud, que nous remercions vivement pour leur collaboration si
constante, efficace et enrichissante, se sont associés, en effet, près de
soixante auteurs et encore plus de collaborateurs : historiens,
géographes, hommes de lettres, œnologues, négociants ou universitaires de la
communauté scientifique internationale, ainsi que divers spécialistes, dans le
domaine de la vigne ou du vin, comme les membres du Cervin, dans le champ des
lettres ou des arts, comme ceux du Lapril, ou dans celui des manifestations
culturelles du vin, comme ceux de Cepdivin.
Si la culture de la vigne et du vin se
mondialise, elle ne cesse pas pour autant d’exprimer, comme elle l’a fait
depuis l’Antiquité, des valeurs éminemment sociales et conviviales,
artistiques, littéraires et religieuses, participant ainsi, d’une manière
spécifique, à la vie des sociétés et à l’imaginaire européen. Ce livre, vraie
carte du tendre vignoble, qui fait s’attabler Noé, Bacchus et saint Vincent,
montre comment et fait voir combien, dans les veines de l’Europe, le vin coule
de source.
Françoise ARGOD-DUTARD Responsable de l'ouvrage
Auteurs et collaborateurs
Ce volume a été dirigé par Françoise Argod-Dutard, professeur de langue et de littérature françaises à l'université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, membre du Cervin (Centre d'études et de recherches sur la vigne et le vin) et de CEPDIVIN (Centre d'Etudes Pluridisciplinaires Des Imaginaires du VIN), par Pascal Charvet, professeur de chaire supérieure de lettres, spécialiste de l'Antiquité, et par Sandrine Lavaud, maître de conférences en histoire médiévale à l'université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, présidente de Géovin et membre du Cervin.
Cet ouvrage réunit les compétences multiples d'une équipe de près de soixante auteurs et encore plus de collaborateurs :
historiens, géographes, hommes de lettres, oenologues, négociants ou universitaires de la communauté scientifique internationale, ainsi que divers spécialites, dans le domaine de la vigne et du vin, comme les membres du CERVIN, dans le champ des lettres ou des arts, comme ceux du LAPRIL, ou dans celui des représentations littéraires et socioculturelles du vin, comme ceux de CEPDIVIN.
Liste complète des auteurs et des collaborateurs qui ont contribué au choix des textes, à leur traduction ou à leur présentation >> télécharger le fichier PDF
Les membres de CEPDIVIN ont activement collaboré à la rédaction de cet ouvrage :
Françoise Argod-Dutard : coordination de l'ensemble de l'ouvrage, direction de la partie Moyen Age et XVIe, plusieurs chapitres, annexes : répertoire, dictionnaire... ;
Christian Coulon : étude sur le vin et l'islam, plusieurs extraits de ses livres ;
Claude Benoît : une étude sur Le Rouge et le Blanc de Jean-Marie Laclavetine (membre d'honneur) dont plusieurs textes figurent dans l'anthologie (partie XXe) ;
Gabriel Saad (président d'honneur) : conclusion du XXe et Epilogue général, relecture de l'ensemble ;
Eric Pothier : 1 chapitre du XXe ;
Philippe Margot : textes sur la dégustation et les verres, partie XXe ;
Amancio Tenaguillo y Cortázar (président de CEPDIVIN): co-direction de la partie XXe siècle et rédaction de 2 chapitres, bibliographie du XXe.
Des extraits d'oeuvres de Jean-Claude Pirotte (membre d'honneur) et de Salah Stétié (membre d'honneur) figurent également dans l'anthologie.
Revue de presse
Dégustation littéraire organisée par le Centre d'Etudes Pluridisciplinaires Des Imaginaires du VIN-CEPDIVIN (Mardi 22 mai 2007, librairie La Machine à Lire, Bordeaux).
Présentation à librairie Mollat, Bordeaux, Mardi 5 juin 2007 (MP3-52,3 MO. Durée : 110:07).
Petite chronique, Aux pays du vin, Gilles Archambault, Le Devoir, 14/07/07
"Si je dois bien avouer que ce sont les extraits d'oeuvres littéraires qui ont attiré mon attention, ce vade-mecum de l'amateur de vin contient une quantité d'éléments aptes à retenir l'attention. On y trouve, par exemple, une histoire du divin breuvage (ses origines remontent à 11 000 ans avant notre ère), un dictionnaire des termes appropriés, un aperçu des conditions économiques qui ont marqué son développement, une description des étapes de la production, etc."
"Sur la route des vins", Jérôme Gautheret, Le Monde des Livres, 21/09/07
"L'entreprise dépasse de loin la simple histoire d'une boisson : il s'agit ici d'aborder la "civilisation du vin" dans tous ses aspects. Il est donc question de goût, bien sûr, mais aussi d'agronomie, d'économie, de médecine, et surtout de littérature, puisque vin et poésie ont toujours fait bon ménage.
Illustrée de gravures et de cartes, cette impressionnante synthèse offre en outre de très nombreuses curiosités : les auteurs ont pris le parti de citer abondamment les textes de référence de toutes les époques."[+]
"Le vin des livres", Jacques Dupont, Le Point, N°1831, 18/10/07
" Des origines au XXIe siècle, les auteurs nous promènent, pendant 1 300 pages et grâce à des chapitres courts, de légendes en découvertes, de témoignages rares en documents inédits... Un régal. [...] On commence où on veut, on picore, au choix. [...] Le passage sur Montaigne est absolument savoureux, comme l'est également (page 559 et suivantes) l'évocation des légendes "qui servent souvent à expliquer l'inexplicable" : la naissance d'un cru ou d'une pratique comme la recherche de la pourriture noble dans les vins liquoreux ou la découverte de la champagnisation. C'est le livre qu'il fallait, celui que tous les amateurs curieux attendaient. Un lien entre le vaste ensemble nommé culture et le vin. On en a besoin en ce moment de retour des épouvantails puritains qui pensent lutter contre l'addiction en parlant à son propos de "boisson alcoolique"."[+]
Références Titre : Voyage aux pays du vin, des origines à nos jours
Auteur : Françoise Argod-Dutard, Pascal Charvet, Sandrine Lavaud (dir.)
Editeur : Robert Laffont
Collection : Bouquins
Parution : 03 mai 2007
Nombre de pages : 1312
Prix euros : 30 €
ISBN-10 : 2221101421
ISBN-13 : 978-2221101421