Présentation de l'éditeur
Comprendre les vins de Bordeaux, leur marché, leur notoriété, les mécanismes qui animent la Place de Bordeaux, tel est le défi relevé par Pierre-Marie Chauvin.
A partir d'une enquête approfondie mêlant entretiens, observations et analyses d'archives, l'auteur montre que le marché des grands vins bordelais est structuré par des sources de réputations plus ou moins institutionnalisées : les classements hiérarchiques des crus, les réputations informelles autour de catégories de produits ou d'individus (la signature oenologique), les évaluations des vins par des critiques (Robert Parker).
La Place de Bordeaux est connectée à une pluralité d'arènes marchandes, politiques et médiatiques, françaises et internationales, remettant en cause l'idée d'un marché strictement local et "protégé". Le défi consiste alors à penser l'articulation entre les formes historiques de classification, les évaluations chiffrées (prix, notes) des campagnes primeurs et les signatures personnelles de professionnels (propriétaires, gérants ou consultants) pour comprendre comment se construit la valeur des vins.
Un ouvrage incontournable pour tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin au marché des Grands Crus de Bordeaux.
Résumé de la thèse
L’ambition du livre est de montrer que le marché des Grands Crus
bordelais gagne à être conceptualisé comme un
marché de réputations, à travers deux
objectifs de connaissance : (1) Une connaissance empirique approfondie du monde de
production vitivinicole bordelais. Le monde des Grands Crus de Bordeaux, partie supposée
"dominante" de la région viticole "dominante", est analysé à travers son hétérogénéité, ses
dynamiques et ses controverses. (2) Une conceptualisation du marché confrontant les
analyses économiques de la réputation et les analyses sociologiques du statut social, et
abordant plus largement la question des hiérarchies et de la valeur dans les marchés
contemporains. Ce travail propose une analyse originale de la constitution des réputations en
intégrant plusieurs traditions de recherches généralement cloisonnées.
A partir d’une enquête ethnographique mêlant entretiens, observations et analyses
d’archives, l’ouvrage rend compte du fonctionnement du marché des grands crus bordelais
en montrant comment les phénomènes de réputation interviennent dans les activités et les
relations de concurrence entre professionnels. La réputation y est définie comme un ensemble
de flux de considérations sociales positives ou négatives, dont les produits plus ou moins
institutionnalisés sont exploités de façon instrumentale et combinatoire par les acteurs
économiques. Le choix du monde des grands crus bordelais comme terrain d’investigation se
justifie à trois niveaux, correspondant aux trois grandes formes d’évaluations sociales
constitutives des réputations des crus, des produits et des individus.
1) Le Bordelais se caractérise d’abord par des hiérarchies symboliques nombreuses
et fortement institutionnalisées, permettant d’interroger les rapports entre marchés,
classifications et hiérarchies sociales. La première partie montre ainsi que les classements
viticoles, en tant que cadres institutionnels des réputations des crus, instituent une clôture
statutaire du marché. Les cas du classement de 1855 en Médoc et du classement de SaintEmilion illustrent la stabilité de la configuration statutaire et la difficulté de réviser les
hiérarchies locales. Les déclassements et reclassements permettent également d’observer
l’interdépendance entre la réputation des organisations économiques et l’identité perçue de
leurs responsables.
2) Le Bordelais se caractérise ensuite par une forte ritualisation du marché autour
des campagnes de commercialisation des vins "en primeurs", au cours desquelles les prix
des vins et les notes des critiques forment les principaux enjeux de la "sortie" des vins. La
deuxième partie est ainsi consacrée aux chiffres de la réputation (prix et notes) qui, loin
d’être purement aléatoires et indépendants, sont enchâssés dans la configuration statutaire
formée par les classements et dans l’organisation sociale de la "place de Bordeaux".
L’étude successive de l’architecture des prix et du système de place, de la formation des prix 2
de sortie en primeurs, et de l’incidence des notes des critiques influents, permet d’évaluer les
enjeux et les conséquences de la "commensuration" sur la construction de la valeur des
vins.
3) Le monde professionnel des Grands Crus bordelais se distingue enfin par une
interconnaissance forte offrant une entrée privilégiée pour analyser les phénomènes
d’observations et de catégorisations réciproques. La troisième partie, qui adopte un point de
vue plus proche des acteurs et de ce que l’on a appelé les entrepreneurs de réputations, a
pour ambition d’examiner la place des noms et des catégories dans les carrières ascendantes
de certains professionnels bordelais. Le marché des consultants œnologiques est étudié à la
fois sous l’angle des luttes de juridiction professionnelle et à travers la question de la
"signature" des vins, tandis que la catégorie controversée des "vins de garage" et la
carrière de leur principal représentant permettront d’observer comment s’articulent les
différents types d’évaluations dans le cours d’une trajectoire entrepreneuriale.
Source Pierre-Marie Chauvin : http://www.melissa.ens-cachan.fr/IMG/pdf/PUBLICATIONS.pdf
L'auteur
Pierre-Marie Chauvin est docteur en sociologie, normalien et agrégé de sciences économiques et sociales, chercheur en sociologie économique. Il est Maître de conférences à l’Université de Paris Sorbonne. Ses principales thématiques de recherche portent sur la construction sociale des marchés et des réputations, la sociologie des activités entrepreneuriales et des organisations.
En savoir plus
Biographie et bibliographie de Pierre-Marie Chauvin sur le site du
projet Melissa de l'Ecole Normale Supérieure de Cachan.