De l’amphore à la bouteille, de la coupe au calice, les contenants du vin
influencent son vieillissement, son goût ou sa couleur. Ils témoignent aussi
de son importance économique et culturelle dans les pays européens depuis
l’Antiquité. Amphores empilées, barriques ou bouteilles alignées, verreries
et orfèvreries sur les tables de fêtes, sont autant de promesses de plaisir et de
communion qu’évoque ce vers de
Charles Baudelaire :
L’exposition explore l’histoire du vin à travers celle de ses contenants de
commercialisation et de consommation. Elle montre les liens entre progrès
techniques, évolutions des formes et choix esthétiques. Elle présente de façon
chronologique l’apparition, la transformation ou la disparition des différents
récipients vinaires, mettant l’accent sur le dialogue entre contenants et contenus.
Elle rend compte des usages commerciaux, des habitudes de consommation et
des pratiques culturelles liés au vin.
Plus d’une quarantaine de collections anglaises, espagnoles, italiennes et françaises, publiques et privées, ont été sollicitées.
Avec 400 pièces réunies sur 700 m2 et une élégante mise en scène de Philippe Dangles, l’exposition met aussi bien en valeur des objets quotidiens que des chefs-d’oeuvres des plus grands musées.
Le port de Bordeaux vu devant le château Trompette, 1776,
Gravure de Le Gouaz, d'après N.-M. Ozanne, Bordeaux, Archives municipales.
© A.M. Bordeaux, B. Rakotomanga.
La présentation développe quatre thèmes :
1 - DE L’AMPHORE À LA BOUTEILLE : COMMERCIALISER, TRANSPORTER LE VIN
Avec les Grecs puis les Romains, l’amphore en terre cuite a été le récipient privilégié de la diffusion du vin dans le monde antique. De nombreux vestiges archéologiques ont permis de reconstituer les techniques de conservation, les routes commerciales et même certaines pratiques de consommation. Dès l’Antiquité, le transport du vin s’est aussi organisé dans de grandes outres faites de peaux de boeuf cousues, parfois montées sur roues, formant des chariots citernes. D’autres, de tailles plus modestes, faites de peaux de chèvres, de moutons ou de porcs ont été utilisées jusqu’à l’époque contemporaine pour le transport du vin, particulièrement dans les régions montagneuses du nord de l’Espagne.
Mais parallèlement, dès le début de l’Empire romain, le tonneau concurrence l’amphore, puis la remplace progressivement. Le tonneau devient alors le récipient de transport du vin au Moyen Âge et donne son nom à la jauge des bateaux. Décliné selon des contenances et des formes différentes d’une région à l’autre, il permet une meilleure identification des provenances du vin. Les tonneaux - ou futailles - vont garder une place très importante dans le transport du vin jusque dans les années 1950. Au XVIIIe , l’adoption de la bouteille en verre sombre provoque une révolution dans l’histoire du vin. On remarque qu’un vin de qualité conservé à l’abri de l’air peut s’y bonifier. Sa suprématie est couronnée quand elle devient aussi une unité de mesure et de vente.
Pour fermer les premiers récipients en verre - trop fragiles - on a d’abord utilisé du bois, du cuir, des bouchons de verre, de l’étoupe de chanvre, de lin ou de chiffons graissée au suif. Cette étoupe sera à l’origine du mot bouchon, dérivé de l’ancien français bousche qui désigne une poignée de paille ou une botte de chanvre (lui-même provenant du latin vulgaire bosca, faisceau d’herbes). Après 1700, les goulots des bouteilles, en verre noir déjà plus solide, sont renforcés par l’enroulement d’un mince cordon de verre, la bague, au sommet du col. L’usage du liège va se répandre aux XVIIe et XVIIIe siècles favorisant une légère oxydation du vin tout en assurant l’étanchéité.
2 - LA TAVERNE OU EN PLEIN AIR : MESURER, GÔUTER, SE DÉSALTÉRER
Dans l’Antiquité, le vin était détaillé sur les marchés, dans les tavernes et les auberges. Selon les époques et les régions, on utilisait des mesures étalonnées en céramique, en métal ou en verre. À partir du Moyen Âge, l’usage des
tasses à vin destinées à goûter les vins avant l’achat se développe. Mais le vin est aussi une boisson pour la soif consommée en tout lieu : non seulement au débit de boisson, mais aussi au travail, à la chasse, en voyage ou sur le
champ de bataille.
3 - A TABLE ! LE SERVICE DU VIN DE L'ANTIQUITÉ A NOS JOURS
La variété de la vaisselle destinée à consommer le vin n’a de limite que l’imagination et le savoir-faire de ses créateurs, l’évolution des pratiques et des goûts, ou la variété des usages du vin. De l’Antiquité à nos jours, vaisselles de céramique, de bois ou de métal, pièces d’orfèvrerie et verreries sont dressées sur les tables des élites ou plus modestement sur les tables populaires. Dans l’Antiquité, les Grecs exportèrent leur manière de boire le vin : allongés sur des banquettes, ils le buvaient coupé d’eau au cours de la seconde partie du banquet, appelée symposion, dans une abondante vaisselle, spécialement conçue à cet usage. Puis, à partir du Moyen Âge, le vin est bu, assis à table, essentiellement au début et à la fin du repas. Le centre du service des boissons est le dressoir sur lequel sont disposés verres et gobelets ; à la demande de chaque convive, le vin est porté par un serviteur.
À la Renaissance, le dressoir conserve toute son importance dans le service du vin, tandis que l’usage du bassin à rafraîchir se développe. La coupe, souvent collective au Moyen Âge, s’individualise et la transparence du verre dans la dégustation du vin commence à s’imposer. Dans le service « à la française », le service des boissons est tout à fait particulier : on ne met sur la table ni verre, ni carafe et les convives se font servir la boisson par leur serviteur particulier. Au cours du XVIIIe siècle, un désir d’intimité amène à une simplification du service du vin.
Chaque convive dispose d’un verre, et carafes et bouteilles peuvent être sur la table ou à proximité, posées sur une servante. Plus tard, au XIXe, les repas se prennent dans la salle à manger, où le décor de la table revêt une réelle importance. Des services de verres, dont les formes se diversifient en fonction du type de vin, sont ainsi créés : verres à apéritif, verres à vins blanc et rouge, verres à champagne…
À partir de 1950, l’usage des carafes se restreint au profit de la bouteille d’origine et le nombre de verres pour le service du vin à table diminue. Parallèlement, une recherche d’adéquation entre le verre et le vin donne naissance à différents types de verres oenologiques.
4 - LES POUVOIRS DU VIN : CÉLÉBRER, SOIGNER, RITUALISER
Les pouvoirs du vin sont multiples. Boisson de société et de convivialité, il accompagne ou marque solennellement des moments importants de la vie : des coupes et des flacons décorés célébrent les amitiés et les amours, les alliances
et les appartenances. Ses qualités médicinales sont vantées depuis des millénaires en raison de ses propriétés antiseptiques et digestives. Enfin, il est lié au sacré. Inventé par Dionysos selon les Grecs, il est présent dans les offrandes
funéraires, mais aussi lors de toutes les fêtes juives. Dans la religion catholique, il devient le symbole du sang du Christ.
Amphores empilées, barriques ou bouteilles alignées, verreries et
orfèvreries sur les tables de fête, la variété de ces contenants n’a de
limite que l’adéquation avec le contenu, l’imagination et le savoir-faire
des créateurs, l’évolution des pratiques et des modes, ou la diversité
des usages du vin. Promesses de plaisir et de communion, ils sont
aussi des symboles de notre civilisation.
Piled amphorae, lined barrels or bottles, glassware and silverware on tables set for celebrations,
the variety of wine containers is only limited by its adequacy to the content, the imagination and
knowledge of the makers, the evolution of practices and trends or the diversity of wine uses.
Promises for pleasure and communion, they are also symbols of our civilization.
>> en savoir plus (PDF)
Supplément SPIRIT, n° 51, juin 2009, p. 41-48.
- "L'âme du vin chante dans les bouteilles" : présentation par Annick Bruder, Conservateur au musée d'Aquitaine, Commissaire de l'exposition.
- "Du bois aux tanins" : rencontre avec Dany Rivière, responsable de la communication de la
- Tonnellerie Demptos, à Saint-Caprais de Bordeaux.
- La dive bouteille : rencontre avec Mathilde Hébert, directrice commerciale et marketing de Saint-Bobain Emballages.
- "La gardienne d'un secret divin" : courtier à Saint-Émilion, collectionneur de bouteilles, Yves Nouvel ouvre sa caverne aux trésors.
- "Gardien des arômes" : rencontre avec Sophie Ponson, chef de projet à la mairie de Mézin et présidente de l’association du Musée du bouchon et du liège.
- "L"art du sur mesure" : rencontre avec Philippe Guillon, directeur commercial Europe du groupe Riedel.
- "Le calice des saveurs" : rencontre avec Jean-Pierre Lagneau, créateur de verres de dégustation.
>> supplément SPIRIT (PDF)
Catalogue
L’exposition est accompagnée d’un catalogue, abondamment
illustré, enrichi de textes d’une vingtaine d’auteurs : conservateurs ou
universitaires, spécialistes en archéologie, arts décoratifs, ethnologie,
ou encore histoire du vin.
L'âme du vin chante dans les bouteilles
Ouvrage collectif sous la direction de Annick Bruder.
Coédition : Somogy Editions d'art / Musée d'Aquitaine
Juin 2009
248 pages, 350 illustrations, 24,6 x 28 cm
32 €
ISBN-13: 9782757202821
PROGRAMME AUTOUR DE L'EXPOSITION
Colloque "Vendre le vin de l'Antiquité à nos jours"
Colloque organisé par le CERVIN (Université de Bordeaux 3)
Les 25, 26 et 27 juin 2009 en salle de Conférence du Musée d’Aquitaine
Thématiques du colloque :
1. Conditionner le vin
Cet axe d’étude proposera deux regards. Le premier se veut historique et centré sur tonneaux et futailles, des contenants les plus usités dans la longue durée et pourtant les plus méconnus. Ce seront tant les récipients en eux-mêmes que les artisans qui les ont façonnés qui feront l’objet d’une réflexion qu’il restait à mener. Le second est davantage géographique et souhaite aborder les stratégies actuelles de la filière vitivinicole en matière de conditionnement. Celles-ci sont directement liées à l’essor de "la mise en bouteilles au château".
2. Commercialiser le vin
Attirant peut-être moins spontanément le regard que la viticulture, la dimension commerciale n’en reste pas moins au centre de toute réflexion sur le vin, tant il est vrai que le négoce demeure le premier partenaire économique du vignoble et joue depuis des siècles le rôle d’interface entre consommateurs et producteurs. Un regard aussi complet que possible sur la vitiviniculture exige donc que l’on se penche sur la commercialisation des produits de la vigne. La matinée du samedi sera spécialement consacrée au courtage.
>> le programme complet du colloque (PDF)
Conférences/lectures
- "L'Opéra et le vin", le 24/06/2009 - Conférence présentée par Laurent Croisier, historien
- "Le monde antique : des boissons pour des dieux et des hommes", le 08/09/2009 - Conférence présentée par Régine Bigorne, docteur en histoire de l’art
- "L'Occident médiéval : le vin, lien social et religieux", le 22/09/2009 - Conférence présentée par Régine Bigorne, docteur en histoire de l’art
- "A table ! En Europe, de la Renaissance aux Lumières", le 08/10/2009 - Conférence présentée par Régine Bigorne, docteur en histoire de l’art
Rencontres autour d'un verre
En partenariat avec le syndicat des viticulteurs des côtes de Bourg
- "Des fléaux du ciel aux tonneaux vides", avec Alain Contis et Teddy Auly
- "La route du vin, vent debout, de l'aquitaine à la rade de Brest aux XVIIe et XVIIIe", avec Nicole Mainet
- "Autour de la bouteille...", avec Valérie Kociemba, Hélène Velasco, Jean-Claude Hinnewinckel et Philippe Roudié
- "A table ! En Europe, de la Renaissance aux Lumières", le 08/10/2009 - Conférence présentée par Régine Bigorne, docteur en histoire de l’art
>> le programme complet des rencontres & conférences (PDF)
INFOS PRATIQUES
Dates / Horaires :
Du samedi 20 juin 2009 au mardi 20 octobre 2009
Ouvert de 11h00 à 18h00 sauf lundis et jours fériés
Visite bilingue français/anglais tous les mardis, de 11 heures à 12 h 30, suivie d’une dégustation.
Réservation et renseignements : Office de Tourisme (05 56 00 66 00 /
www.bordeaux-tourisme.com)
Visite commentée les dimanches 21 et 28 juin, à 15 heures tous les dimanches, du 6 septembre au 18 octobre, à 15 heures.
Entrée :
5 € & 2,50 €
Lieu :
Musée d'Aquitaine
20 cours Pasteur
33000 Bordeaux
Tél. : 05 56 01 51 00 - Fax : 05 56 44 24 36
>> le dossier de presse (PDF)
Le musée d’Aquitaine, un musée de civilisation
Le musée d’Aquitaine présente, sur 5000 m2, l’histoire de Bordeaux et de sa région, de la préhistoire au XXIe siècle. De prestigieuses collections d’archéologie, d’histoire, d’ethnographie régionale et extra européenne retracent la vie des Aquitains et leurs relations avec le reste du monde. "Musée de patrimoine" mais aussi "musée de civilisation", il interroge le passé pour répondre aux questions qui se posent aujourd’hui et ses programmes mettent en évidence les échanges, la circulation des hommes, des biens et des idées qui sont au coeur des débats contemporains. La politique d’action culturelle qu’il mène – conférences, cycles d’enseignement, débats, concerts, animations – l’ouvre sur la ville. Et les partenariats qu’il entretient avec les universités, les centres de recherche et de nombreux musées dans le monde en font un lieu de la diffusion des savoirs. Avec plus de 100.000 visiteurs par an, le musée d’Aquitaine inscrit son action dans le cadre de "
Bordeaux patrimoine mondial de l’humanité" et contribue fortement au rayonnement de la ville et de la région.