Itinéraire spiritueux
Gérard Oberlé
Prix Pierre Mac Orlan 2006
Au lecteur
"Après Retour à Zornhof, j'avais pensé que mes comptes avec l'Alsace-Lorraine étaient soldés. Trente années d'absence et puis, à la parution du roman, quelques furtifs retours au pays. J'ai été reçu et fêté avec des égards, caresses, veaux gras et roses comme n'en reçoivent que les fils prodigues. J'avais oublié combien ces provinces hospitalières étaient ripailleuses. Zornhof racontait d'anciens deuils et le voyage d'hiver d'un homme vers les arpents de sa jeunesse. Après ce requiem, mon âme et mon corps, compère et commère depuis toujours, ont exigé des Magnificat, des Exultate, et des Jubilate.
Spirituel et spiritueux dérivent de la même racine. Enfant, c'est à l'église et au bistrot que le narrateur d' Itinéraire spiritueux a appris la musique, par des cantiques et des chansons à boire. Il a poussé comme un lys des champs entre eau bénite et eau-de-vie, à une époque et dans un milieu où la mode était aux bons maris, bons pères, bons ouvriers et bons chrétiens. La pratique quotidienne de ces vertus demandait des compensations. C'est dans la bouteille qu'on allait les chercher le plus souvent.
Il y a deux ans, lors d'une escale à Dombasle, j'ai parlé de cela autour d'un gris de Toul avec mon compatriote Claudel. C'est lui qui m'a suggéré d'en faire un livre. J'aurais pu le titrer Scènes de la vie d'un riboteur.
Trajets toujours arrosés, itinéraire romanesque débordant, avec bacchanales et gueules de bois domestiques ou exotiques, roulis et tangages, voies solennelles et culs-de-sac, beaux accords et lourdes factures, blandices et brouillards, soixante années de croisières où les vents ont soufflé comme des désirs en fête, avec des récifs où chantent les sirènes, des ports sans angoisse, des cabarets de la dernière chance et, toujours, de nouveaux appareillages.
L'ancien mot ivrongne est l'anagramme de vigneron. J'ai voulu célébrer les deux dans un récit familier et burlesque où croisent aussi des poètes et des paysans, des bonnes filles et des vilains garçons, des chanoines et des chiens, des barmen, toutes sortes de paroissiens... et mon père. Le cul des bouteilles m'a servi de lorgnette et les verres à cocktails de kaléidoscopes. Disons que ma vision du monde est un peu trouble. Une chance ! Quand je verrai les choses comme elles sont réellement, il sera temps de fermer boutique." Gérard Oberlé
Sources : Editions Grasset
L'auteur
© Tristan Pimpaneau. gerardoberle.over-blog.com |
Gérard Oberlé, né en 1945, à Saverne en Alsace, de parents lorrains. Il passe son adolescence en Suisse chez les jésuites à Fribourg. Après des études de lettres classiques à Strasbourg et à La Sorbonne, il est maître auxiliaire de latin et de grec à Metz, puis viennent les années d'errance en Angleterre et aux Etats-Unis.
En 1968, il devient libraire de livres anciens et à ce titre a fait paraître divers catalogues spécialisés sur des sujets divers (la poésie néo-latine, Poulet-Malassis, les fous littéraires, le boire et le manger) : Les Fastes de Bacchus et de Comus, Ou histoire du boire et du manger en Europe, de l'Antiquité à nos jours à travers les livres, Belfond, 1989, catalogue bibliographique d'une importante collection de livres de gastronomie ; Une Bibliothèque bachique, Collection Kilian Fritsch, Loudmer, 1992 ; Bibliothèque bachique de M. Bernard Chwartz, livres et documents anciens et modernes sur le vin, la viticulture et l'œnologie, Paris, 2002 ; etc.
Il vit depuis 1976 dans un manoir du Morvan, où il continue ses activités de libraire par correspondance, tout en s'échappant vers l'Egypte ou l'Arizona.
Romancier et essayiste, il a publié trois romans : Nil Rouge (Le Cherche-Midi, 1999) ; Pera Palas (Le Cherche-Midi, 2000) ; Palomas Canyon (Le Cherche-Midi, 2002), ses chroniques musicales à France-Musiques (La vie est un tango, Flammarion), et un livre inclassable, Salami ! (Actes Sud, 2002).
Son roman Retour à Zornhof (Grasset, 2004) a obtenu le prix des Deux Magots, le Prix Erckmann-Chatrian et le Prix Découverte Figaro Magazine.
Gérard Oberlé est aussi chroniqueur à Lire. |
Pour en savoir plus
Sur Itinéraire spiritueux
"Avoir le vin gai et en faire le prétexte délicieux d’un grand livre", Frédéric R. Vignale, Le Journal Culturel Le Mague
Littéraire , 12/07/2006. Extrait : "Oberlé nous dit que la Genèse de ce périple à la quête de la grappe a commencé à Tunis, lors d’une réunion mondaine d’écrivains franco-arabes, puis s’est poursuivi en buvant du vin gris lorrain, en passant par bien d’autres étapes cocasses, imbibées, amicales ou étonnantes et on est prêt à croire notre guide sincère.
Gérard Oberlé fait couler des fûts de souvenirs où dansent les amis trop tôt disparus, les putains célestes, les personnages pantagruéliques, les héros de l’histoire qu’ont aurait aimé croiser autrement que dans les songes.
Oberlé réussit ce qu’aucun universitaire ne saura jamais mettre dans sa meilleure dissertation : de la vie, de la matière, de l’épaisseur aux choses, aux lieux, avec cette colle universelle et étourdissante qui fait les cirrhoses parfois et aussi les moments les plus magiques et inoubliables d’un destin."
"Quête spiritueuse", Luc Le Vaillant, Libération, 17/08/2006. Extrait : "L'ogre a les yeux bleus. Il reçoit en sa tanière, avec une splendeur et une allégresse égales aux difficultés qu'il fait pour en ouvrir les portes. Il gîte dans un manoir nivernais où il abrite son commerce bibliophile (il vend sur catalogue) et sa solitude érudite (partagée par un secrétaire-ami-héritier-ancien charpentier). Quand ça lui chante, quand ça lui convient, Gérard Oberlé rompt le silence des prairies et des bois, par des ripailles où spirituel et spiritueux riment volontiers. Au-dessus des têtes, les pièces regorgent de livres anciens, comme dans son grenier d'enfance alsacien, ancienne bibliothèque municipale abandonnée par les Allemands. La cave, elle, recèle des vins qu'il refuse de thésauriser en dégustateur à lèvres avaricieuses, et qu'il s'envoie à belles lampées de jouisseur. Marchand, éditeur, mais aussi «écrivain du dimanche» autodéprécié aux mots choisis et à la reconnaissance grandissante, il vient de rédiger un éloge amusé du vin qui saoule et des ivresses qui apaisent. Il écrit : «Le cul des bouteilles m'a servi de lorgnette et le verre à cocktail de kaléidoscope. Disons que ma vision du monde est un peu trouble. Une chance ! Quand je verrai les choses comme elles sont réellement il sera temps de fermer boutique.» Mécontemporain battant l'époque comme plâtre, il oscille entre mélancolie allemande et faconde rabelaisienne pour raconter un itinéraire pas si vin. Et sans oublier de resservir son voisin."
"Rencontre Bernard Pivot - Gérard Oberlé", François Busnel, Lire, octobre 2006."C'est un festival d'inventions langagières et d'anecdotes viticoles! Deux grands livres célèbrent le vin et magnifient la dive bouteille. Au Dictionnaire amoureux du vin de Bernard Pivot répond l' Itinéraire spiritueux de Gérard Oberlé. Rencontre au sommet. Et au meursault."
"Une vie romanesque", Jacques Perrin, Mille Plateaux, mercredi 6 fév 2008.Extrait : "En ces temps de béni oui oui, d’indigence culturelle, de politiquement correct, de présidents abstèmes, la parution de Itinéraire spiritueux de Gérard Oberlé est un vraie jubilation terrestre.
Un livre traversé de part en part par une vitalité joyeuse et frondeuse, écrit au burin et à la gouge, poli comme une pierre de lune par le temps et l’infinie patience de ceux qui savent qu’aucune soif n’est extinguible parce que la soif fait partie de la vie comme la musique jaillit du silence.
Un objet à ne pas mettre entre toutes les mains : altérés, adventistes, atrabilaires, frileux du coude, autistes du gosier ou pourfendeurs de silènes, s’abstenir !
[...]
On peut lire Itinéraire spiritueux comme un Bildungsroman, un roman de formation : au goût, à ses sortilèges, ses folies, ses excès, sa démesure. On y croise une galaxie de personnages étonnants, vivants ou disparus, emportés dans cette sarabande dionysiaque, des riboteurs de première, des affidés de la riboudingue."
Sur les autres livres de Gérard Oberlé
Palomas Canyon : François Busnel, La chère et les livres, L'Express du 02/05/2002.
Salami ! : Régine Deforges, Éloge du salami , L'Humanité du 27/11/2002..
Retour à Zornhof : Olivier Le Naire, Le voyageur d'hiver, L'Express du 06/12/2004.
Retour à Zornhof : Jean-Rémi Barland, L'art délicat du vague à l'âme, Lire, septembre 2004.
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Encore quelques liens :
Rencontre exclusive entre l'Américain Jim Harrison et le Français Gérard Oberlé. Article paru dans L'Express à l'occasion de la sortie des Mémoires de Jim Harrison : Aventures d'un gourmand vagabond (Christian Bourgois, 2002). Un chapitre de ce livre est consacré à la correspondance entre les deux écrivains.
Le blog dédié à Gérard Oberlé.
Les colportages de Gérard Oberlé, sur le site du Centre Régional des Lettres de Bourgogne.
Qui est donc Gérard Oberlé?, par Salam Kawakibi, sur le site de l'association Babelmed (Culture et politique en Méditerranée).
Librairie du Manoir de Pron - Livres anciens, (En particulier les catalogues vin, gastronomie, oenologie).
mise en ligne : 17/08/06
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