Introduction
Hier, Dionysos était le dieu le plus populaire des anciens Grecs: dieu du délire mystique, de la folie extrême (J. Lacarrière), de la vie joyeuse, du théâtre, du verbe, des danses, des transes, de la végétation et des guérisseurs. il est surtout, pour les épicuriens modernes, celui de l'ivresse et du vin. Dieu multicarte, à facettes de l'Olympe, il devient le V.R.P. de la maison Zeus.
Le vin, depuis la nuit des temps, constitue et demeure (on tentera de le prouver, s'il en était encore besoin) le pilier majeur de notre trilogie alimentaire occidentale avec le pain et l'huile. Pendant que Déméter crée le grain et le moulin, qu'Athéna offre à l'humanité l'olivier, Dionysos s'occupe du vin.
Aujourd'hui, à l'aube du troisième millénaire, saint Vincent reste le plus aimé des saints patrons de la vigne et du vin. Dans tous les vignobles : de Pouilly-sur-Loire à Colmar, de Clos de Vougeot à Pomerol, de jurançon à Chablis, de Nantes à Aix-en-Provence, de Saumur à Narbonne, nombre de grand-messes adaptées au vin et à la vigne lui sont dédiées chaque hiver et perpétuent ainsi sous une forme moderne le cuite dionysiaque. Avec le ban des vendanges, le 22 janvier (jour de la Saint-Vincent) demeure ainsi l'un des moments forts du paysage viti-vinicole français (et de certains pays européens).
Ces propos liminaires illustrent combien la passion du vin est "essentielle", pérenne et toujours vive chez l'Homme (au sens large, qui embrasse la femme) occidental de cu'Iture méditerranéenne.
Certes, d'autres personnalités - physiques ou morales - ont émaillé l'histoire du vin rythmée par le retour annuel des vendanges. Évoquons au nombre des individus physiques Jean-Antoine Chaptal, Louis Pasteur, Marcelin Albert, Émile Peynaud, etc. et, parmi les personnes morales, les confréries, l'I.N.A.O., l'ONIVINS... Sans le dynamisme de ces intervenants passionnés, notre quotidien, en matière de vigne et de vin serait bien différent, voire ô combien attristant !
Colette, grande amoureuse de la vie, évoquait le produit de la vigne en termes choisis "Monseigneur le vin". Nous suivrons ainsi le cours de cette royauté festive : dionysies athéniennes, puis bacchanales de la Rome païenne et enfin fêtes de la Saint-Vincent. Trois époques différentes, mais réunies par des ressemblances rituelles : la procession, la libation, un lieu (ici un théâtre, là une salle des fêtes), des textes (jadis des dithyrambes, aujourd'hui des discours).
Cet ouvrage pourra sembler léger et facétieux au lecteur moins épicurien que lettré. Il trouvera en bibliographie des références beaucoup plus sérieuses. Qu'il nous pardonne à l'avance nos égarements romanesques, notre vision parfois simpliste (effet bachique pervers ou malin ?).
Le fil d'Ariane qui nous guide n'a aucune prétention historique : il y a tellement de riches sentiers dans les vignes du Seigneur ! Il illustre un constat, somme toute agréable, sur l'universalité de l'Homme confronté ici au divin nectar, décliné dans son aspect social et ludique. Depuis Noé, le vin précède ou accompagne nos grands moments d'exaltation. En gratitude, l'Homme continue à "lui faire fête et l'honore par un florilège d'événements joyeux" présidés au premier chef par les confréries vineuses de nos temps modernes, plus vivantes que jamais à l'aube de notre IIIe millénaire.
D'ailleurs il est dit, sans encourir les foudres de l'Olympe, que l'on peut violer l'histoire (laissons-nous, sans duperie, abuser par ces mythes) à condition de lui faire un bel enfant. Souhaitons que cet ouvrage contribue à établir notre vérité celle qui affirme que vin et fête ne sont que pléonasmes hédonistes