Le vin social et politique #4 : Du vin, du bon… du bonnet
Le vin sur la scène de l’histoire : un symbole de la Nation.
A l’heure où le bonnet rouge revient à la mode (à la faveur de certaines revendications corporatistes – avec en filigrane des postures régionalistes pseudo-identitaires au mieux, simplement égoïstes au pire), il n’est pas inutile de rappeler que ce même bonnet rouge orné de la cocarde tricolore fut associé au vin pour représenter sur la scène de l’Histoire, très précisément l’imaginaire révolutionnaire, l’unité nationale (1).
Vin rouge, rouge bonnet. Le contexte historique.
Le 20 juin 1792, jour anniversaire du serment du Jeu de paume, le peuple mécontent du renvoi de trois ministres girondins envahit le palais des Tuileries et contraint Louis XVI de coiffer le bonnet phrygien et de boire à la santé de la Nation comme le représente l’estampe réalisée par Villeneuve.
Dans cette représentation, le roi est debout, buvant littéralement les paroles “Vive la Nation”. Le regard du monarque semble prendre à témoin le spectateur comme pour lui signifier qu’il est un “bon buveur”, c’est-à-dire un bon citoyen puisqu’il boit les paroles de la Nation :
“le vin qui sort de la bouteille “parle” de cette nation. Mieux : il s’y identifie. Si les insurgés du 20 juin ont voulu faire boire le roi, c’est aussi pour le resituer (de force) dans la position du citoyen comme les autres. Boire le vin de la Nation (le vin qui est la Nation) est comme un rituel civique, qui fait appartenir à celle-ci. Ainsi, “la conscience collective d’appartenir à une même communauté”, qui définit justement depuis la Révolution Française l’idée moderne de nation, peut-elle se “lire” dans le vin. Issu de la France et du peuple, le vin est l’un des vecteurs et des signes de cette communauté d’appartenance ainsi que de l’unité de la Nation (1).”
La Dive Bouteille révolutionnaire.
La constitution adoptée le 13 septembre 1791 transfère la souveraineté à la Nation ; le roi n’est plus ainsi de “droit divin”. Cependant, la mystique révolutionnaire semble se ressourcer au vin des Pantagruélistes. En avalant le contenu de la bouteille de vin, le roi communie avec son peuple ; c’est ensemble, le roi et le peuple, qu’ils se dés-altérent, qu’ils effacent leur altérité, et de ce fait ne sont plus étrangers l’un à l’autre. La bouteille de vin a donc une fonction révolutionnaire, c’est-à-dire métamorphosante : ainsi on peut bien dire que “de vin, divin on devient”. C’est ce que Panurge entend au fond de la Dive Bouteille Bacbuc, dans le Cinquième livre de Rabelais. Et si divin on est du vin, devin devient-on également (2) ?
N.B. Si la vérité est peut-être au fond de la bouteille, il n’est pas certain que le bonnet rouge soit aujourd’hui, en novembre 2013, un symbole flamboyant de la Nation en temps de crise.
Amancio Tenaguillo y Cortázar (3)Notes
- Source : Alban Sumpf, “Le vin symbole de la Nation”, in L’Histoire par l’image. [En ligne]. Disponible sur : http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=1024 (Page consultée le 11 novembre 2013).
- Voir à ce propos l’article de Christine Escarmant : “Devin Divin on devient”, in Amancio Tenaguillo y Cortázar (dir.), Le Vin dans ses œuvres, Talence, CEPDIVIN éditeur, 2006, pp. 73-79.
- Du même auteur, autres articles de la série Le vin social et politique.
Laisser un commentaire