Jean Arrouye : Poïétique de l'écriture du buveur

Dans tous les textes de Jean-Claude Pirotte revient, plus ou moins insistante, la suggestion que l'acte de boire et l'activité d'écrire sont profondément liées. L'écrivain se déclare souvent ivrogne et l'alter ego qu'il s'invente, Ange Vincent, porte le nom du patron des vignerons. Pour lui "les vins se laissent boire comme des " lais et relais " du plus haut Verbe" et, dans un texte humoristiquement symbolique, c'est à travers un verre de pernand vergelesse qu'il est en train de mirer qu'il découvre la littérature, en l'occurrence un texte d'A. Frénaud (Un rêve en Lotharingie). Boire et écrire ont même justification, "établir les ponts véreux jetés du soir à l'aube" (Récits incertains) qui permettent de passer outre le regret des amours quittées et l'angoisse de la perte de soi.

Après avoir établi la constance de cette similitude proclamée, la communication montrera que l'écriture d'ouvrages comme La Pluie à Rethel ou Fond de Cale, avec leur ressassements et leurs ruptures fréquentes du récit, leurs "emportements avortés de la mémoire" (Plis perdus) et l'usage de "mots qui reviennent […] comme des rots" (Fond de cale) est comparable au discours incertain et obstiné d'un buveur bavard, instituant ce qu'on pourrait appeler une poïétique de l'écriture du buveur.