L'Homme nouveau et la représentation du corps masculin dans les films de propagande : L'URSS bolchevique, l'Allemagne nazie et la France de Vichy
Jean-Pierre BERTIN-MAGHIT
Professeur
SICA, Université de Bordeaux 3
E-mail
Les années vingt et trente sont à l'origine d'un rêve qui traverse tout le vingtième siècle, celui du mythe de l'origine : la recréation d'un nouvel Adam. Il s'agit avant tout d'une révolte contre la société libérale et bourgeoise qui s'exprime à travers l'expérience révolutionnaire menée dans de nombreux pays européens après la Grande Guerre. Le bolchevisme en URSS, le nationalsocialisme en Allemagne et la Révolution nationale en France expriment à leur façon ce malaise de civilisation, cette idée de décadence et cet ébranlement existentiel de l'Homme. Ces utopies de la régénération proposent toutes la construction d'un Homme nouveau. Si le corps masculin reste l'expression commune médiatisée de ces mondes imaginaires, les trois imageries qui en résultent sont différentes. Le corps soviétique est tout à la fois influencé par la réflexion fonctionnaliste bio-mécaniste meyerholdienne, et par la dynamique idéologique prolétarienne et paysanne (Eisenstein, Koulechov, Vertov, Poudovkine…). Le corps nazi est idéalisé et éternisé selon les canons esthétiques de la tradition gréco-romaine, seuls susceptibles de traduire au mieux la beauté et l'harmonie des aryens, fondateurs de culture (Leni Riefenstahl). La perfection masculine du corps fasciste français, qui associe maîtrise physique et spirituelle, est la condition essentielle à la reconstitution d'un ordre mâle qui est en même temps un ordre viril. Le culte du corps masculin jeune, surentraîné, et toujours en mouvement trouve sa pleine expression comme figure collective de la réconciliation nationale (documentaires du Commissariat à l'éducation générale et au sport, et du Secrétariat général de l'Information).
|