Corps et vin dans l'archipel de l'Odyssée au cinéma
ou comment s'entre-communiquer des " pensées-images "
Corinne BENAND
Ecologue-Anthropologue, ingénieur d'études
Doctorante à l'EHESS, les îles au cinéma
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Nombre de films, de cultures cinématographiques diverses, célèbrent tour à tour les plaisirs et la démesure du corps et du vin, les avatars de la chair et de l'alcool, variant à l'excès selon les genres et les réalisateurs, de la mise en scène distanciée d'une sociabilité courtoise ou convenue à l'expression d'une brûlante communion des sens.
Mais "l'importance capitale du cinéma, d'abord muet, fut d'apporter enfin aux hommes un moyen de s'entre-communiquer des pensées-images" écrivait le cinéaste Jean Epstein en 1931.
S'il est aujourd'hui admis que les informations audio-visuelles du cinéma débordent de la sollicitation physiologique, il est néanmoins légitime d'interroger les variations culturelles de ces mobilisations sensorielles : corps impudiques ou corps magnifiques, corps héroïques ou corps monstrueux ? Vin de la civilisation et du raffinement ou vin de l'abandon et de la perte ?
On observera ici par une analyse filmique transversale quelques séquences du long-métrage Ulysse, œuvre monumentale sortie en 1954, née de la rencontre entre le néo-réalisme du cinéaste italien Mario Camerini et les nouvelles techniques de la superproduction hollywoodienne. On propose par cet exemple de montrer en quoi le cinéma, dans ses présupposés esthétiques dont l'organisation repose sur une des plus savantes sollicitations des sens, exprime en creux, par ses priorités ou ses lapsus, une représentation idéologique du récit, et notamment de l'Odyssée d'Homère.
On analysera tout particulièrement la scène par laquelle Ulysse et ses compagnons enivrent le cyclope avec le "sang de la vigne" et triomphent du piège de la grotte dans l'île du cannibale.
La richesse sensorielle à l'écran -ou sa pauvreté - témoigne de représentations culturelles et idéologiques, véritables signifiants d'une vison des rapports de l'Homme au monde et à son environnement.
On définira préalablement ce qu'on entend par sensorialité. On précisera aussi en quoi la sensorialité, bien qu'universelle au genre humain n'en n'est pas moins éminemment culturelle, et ne place pas chaque spectateur dans les mêmes dispositions à ressentir.
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