Dans un décor de salle de ferme reconstitué, entouré de nombreux amis, Georges BRASSENS, à la guitare, interprète "Le vin". ORTF - 12/06/1957 - 00h02m40s.
Source : http://www.dailymotion.com/video/xe04h_georges-brassens-le-vin
- Avant de chanter
- Ma vi', de fair' des
- Harangues,
- Dans ma gueul' de bois
- J'ai tourné sept fois
- Ma langue...
- J'suis issu de gens
- Qui étaient pas du gen-
- -re sobre...
- On conte que j'eus
- La tétée au jus
- D'octobre...
- Mes parents ont dû
- M' trouver au pied d'u-
- -ne souche,
- Et non dans un chou,
- Comm' ces gens plus ou
- Moins louches...
- En guise de sang,
- (O noblesse sans
- Pareille !)
- Il coule en mon coeur
- La chaude liqueur
- D' la treille...
- Quand on est un sage,
- et qu'on a du sa-
- -voir-boire,
- On se garde à vue,
- En cas de soif, u-
- -ne poire...
- Une poire... ou deux,
- Mais en forme de
- Bombonne,
- Au ventre replet
- Rempli du bon lait
- D' l'automne...
- Jadis, aux Enfers,
- Certe', il a souffert,
- Tantale,
- Quand l'eau refusa
- D'arroser ses a-
- -mygdales...
- Etre assoiffé d'eau,
- C'est triste, mais faut
- Bien dire
- Que, l'être de vin,
- C'est encore vingt
- Fois pire...
- Hélas! il ne pleut
- Jamais du gros bleu
- Qui tache...
- Qu'ell's donnent du vin,
- J'irai traire enfin
- Les vaches...
- Que vienne le temps
- Du vin coulant dans
- La Seine!
- Les gens, par milliers,
- Courront y noyer
- Leur peine...
Georges Brassens, Le vin
Paroles & Musique: Georges Brassens, 1957.
© Editions musicales 57.
Le bistrot
- Dans un coin pourri
- Du pauvre Paris,
- Sur un' place,
- L'est un vieux bistrot
- Tenu pas un gros
- Dégueulasse.
- Si t'as le bec fin,
- S'il te faut du vin
- D' premièr' classe,
- Va boire à Passy,
- Le nectar d'ici
- Te dépasse.
- Mais si t'as l' gosier
- Qu'une armur' d'acier
- Matelasse,
- Goûte à ce velours,
- Ce petit bleu lourd
- De menaces.
- Tu trouveras là
- La fin' fleur de la
- Populace,
- Tous les marmiteux,
- Les calamiteux,
- De la place.
- Qui viennent en rang,
- Comme les harengs,
- Voir en face
- La bell' du bistrot,
- La femme à ce gros
- Dégueulasse.
- Que je boive à fond
- L'eau de tout's les fon-
- tain's Wallace,
- Si, dès aujourd'hui,
- Tu n'es pas séduit
- Par la grâce.
- De cett' joli' fé'
- Qui, d'un bouge, a fait
- Un palace.
- Avec ses appas,
- Du haut jusqu'en bas,
- Bien en place.
- Ces trésors exquis,
- Qui les embrass', qui
- Les enlace ?
- Vraiment, c'en est trop !
- Tout ça pour ce gros
- Dégueulasse !
- C'est injuste et fou,
- Mais que voulez-vous
- Qu'on y fasse ?
- L'amour se fait vieux,
- Il a plus les yeux
- Bien en face.
- Si tu fais ta cour,
- Tâch' que tes discours
- Ne l'agacent.
- Sois poli, mon gars,
- Pas de geste ou ga-
- re à la casse.
- Car sa main qui claqu',
- Punit d'un flic-flac
- Les audaces.
- Certes, il n'est pas né
- Qui mettra le nez
- Dans sa tasse.
- Pas né, le chanceux
- Qui dégèl'ra ce
- Bloc de glace.
- Qui fera dans l' dos
- Les corne' à ce gros
- Dégueulasse.
- Dans un coin pourri
- Du pauvre Paris,
- Sur un' place,
- Une espèc' de fé',
- D'un vieux bouge, a fait
- Un palace.
Georges Brassens, Le bistrot
Paroles & Musique: Georges Brassens, 1960.
© Editions musicales 57.
Le Grand Pan
Du temps que régnait le Grand Pan,
Les dieux protégaient les ivrognes
Des tas de génies titubants
Au nez rouge, à la rouge trogne.
Dès qu'un homme vidait les cruchons,
Qu'un sac à vin faisait carousse
Ils venaient en bande à ses trousses
Compter les bouchons.
La plus humble piquette était alors bénie,
Distillée par Noé, Silène, et compagnie.
Le vin donnait un lustre au pire des minus,
Et le moindre pochard avait tout de Bacchus.
Refrain.
Mais en se touchant le crâne, en criant "J'ai trouvé"
La bande au professeur Nimbus est arrivée
Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,
Chasser les Dieux du Firmament.
Aujourd'hui ça et là, les gens boivent encore,
Et le feu du nectar fait toujours luire les trognes.
Mais les dieux ne répondent plus pour les ivrognes.
Bacchus est alcoolique, et le grand Pan est mort.
Quand deux imbéciles heureux
S'amusaient à des bagatelles,
Un tas de génies amoureux
Venaient leur tenir la chandelle.
Du fin fond du champs élysées
Dès qu'ils entendaient un "Je t'aime",
Ils accouraient à l'instant même
Compter les baisers.
La plus humble amourette
Etait alors bénie
Sacrée par Aphrodite, Eros, et compagnie.
L'amour donnait un lustre au pire des minus,
Et la moindre amoureuse avait tout de Vénus.
Refrain.
Aujourd'hui ça et là, les coeurs battent encore,
Et la règle du jeu de l'amour est la même.
Mais les dieux ne répondent plus de ceux qui s'aiment.
Vénus s'est faite femme, et le grand Pan est mort.
Et quand fatale sonnait l'heure
De prendre un linceul pour costume
Un tas de génies l'oeil en pleurs
Vous offraient des honneurs posthumes.
Et pour aller au céleste empire,
Dans leur barque ils venaient vous prendre.
C'était presque un plaisir de rendre
Le dernier soupir.
La plus humble dépouille était alors bénie,
Embarquée par Caron, Pluton et compagnie.
Au pire des minus, l'âme était accordée,
Et le moindre mortel avait l'éternité.
Refrain.
Aujourd'hui ça et là, les gens passent encore,
Mais la tombe est hélas la dernière demeure
Les dieux ne répondent plus de ceux qui meurent.
La mort est naturelle, et le grand Pan est mort.
Et l'un des dernier dieux, l'un des derniers suprêmes,
Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même
Un beau jour on va voir le Christ
Descendre du calvaire en disant dans sa lippe
"Merde je ne joue plus pour tous ces pauvres types.
J'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste."
Georges Brassens, Le Grand Pan
Paroles & Musique: Georges Brassens, 1964.
© Editions musicales 57.
La rose, la bouteille et la poignée de main
- Cette rose avait glissé de
- La gerbe qu'un héros gâteux
- Portait au monument aux Morts.
- Comme tous les gens levaient leurs
- Yeux pour voir hisser les couleurs,
- Je la recueillis sans remords.
- Et je repris ma route et m'en allai quérir,
- Au p'tit bonheur la chance, un corsage à fleurir.
- Car c'est une des pir's perversions qui soient
- Que de garder une rose par-devers soi.
- La première à qui je l'offris
- Tourna la tête avec mépris,
- La deuxième s'enfuit et court
- Encore en criant "Au secours! "
- Si la troisième m'a donné
- Un coup d'ombrelle sur le nez,
- La quatrième, c'est plus méchant,
- Se mit en quête d'un agent.
- Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
- Sans être louche, on ne peut pas
- Fleurir de belles inconnu's.
- On est tombé bien bas, bien bas...
- Et ce pauvre petit bouton
- De rose a fleuri le veston
- D'un vague chien de commissaire,
- Quelle misère!
- Cette bouteille était tombé'
- De la soutane d'un abbé
- Sortant de la messe ivre mort.
- Une bouteille de vin fin
- Millésimé, béni, divin,
- Je la recueillis sans remords.
- Et je repris ma route en cherchant, plein d'espoir,
- Un brave gosier sec pour m'aider à la boire.
- Car c'est une des pir's perversions qui soient
- Que de garder du vin béni par-devers soi.
- Le premier refusa mon verre
- En me lorgnant d'un oeil sévère,
- Le deuxième m'a dit, railleur,
- De m'en aller cuver ailleurs.
- Si le troisième, sans retard,
- Au nez m'a jeté le nectar,
- Le quatrième, c'est plus méchant,
- Se mit en quête, d'un agent.
- Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
- Sans être louche, on ne peut pas
- Trinquer avec des inconnus.
- On est tombé bien bas, bien bas...
- Avec la bouteille de vin fin
- Millésimé, béni, divin,
- Les flics se sont rincé la dalle,
- Un vrai scandale!
- Cette pauvre poigné' de main
- Gisait, oubliée, en chemin,
- Par deux amis fâchés à mort.
- Quelque peu décontenancé',
- Elle était là, dans le fossé.
- Je la recueillis sans remords.
- Et je repris ma route avec l'intention
- De faire circuler la virile effusion,
- Car c'est une des pir's perversions qui soient
- Qu' de garder une poigné' de main par-devers soi.
- Le premier m'a dit: "Fous le camp !
- J’aurais peur de salir mes gants."
- Le deuxième, d'un air dévot,
- Me donna cent sous, d'ailleurs faux.
- Si le troisième, ours mal léché,
- Dans ma main tendue a craché,
- Le quatrième, c'est plus méchant,
- Se mit en quête d'un agent.
- Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
- Sans être louche, on ne peut pas
- Serrer la main des inconnus.
- On est tombé bien bas, bien bas...
- Et la pauvre poigné' de main,
- Victime d'un sort inhumain,
- Alla terminer sa carrière
- A la fourrière!
Georges Brassens, La rose, la bouteille et la poignée de main
Paroles & Musique: Georges Brassens, 1969.
© Editions musicales 57.